ETHIQUE ET TICS
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Mythologie du metal moderne
Autour du passage aux années 2000, des millions de chevelus se sont
affrontés pour décider de l’avenir du metal. Les champs de bataille
furent nombreux : scènes de festival, forums Internet, rencontres de
passionnés. Armés de leur bouche en guise de sifflet, d’un clavier
filaire ou plus rarement d’un poing américain, ils ont guerroyé sec pour
ce qui fut une des crises les plus fondamentales du genre extrême.
Comme souvent en temps de crise, la Querelle des Anciens et des
Modernes s’est rejouée. Innovation contre préservation. D’un côté il y
avait les militants d’un metal en voie de libération, refusant enfin les
limites aliénantes des catégories. De l’autre il y avait les
conservateurs, pas prêts à troquer l’âme de leur musique contre les
changements de vents de l’actualité. Le débat est classique, et certes à
ce titre le metal n’a aucune originalité – parlez-en aux amateurs de
hip-hop –, cependant, il s’est manifesté là avec une telle intensité
qu’il mérite qu’on en parle. La raison est assez simple : dans les
conséquences concrètes du débat, il ne s’agissait pas de remplacer les
groupes du passé par des groupes incarnant le futur, mais bien de
transformer ou non les groupes déjà existant, ou tout du moins de
légitimer cette transformation. Affectivement, ça avait une tout autre
valeur, parce que ce qui était en jeu pour les inconditionnels de tel ou
tel groupe, c’était d’admettre ou non que leurs groupes puisse se
réformer voire se révolutionner.
Ils furent innombrables ces groupes qui, il y a une grosse douzaine
d’années, ont renoncé à leurs racines pour épouser de nouveaux
référentiels esthétiques. Et dans chaque fanbase, il y a eu schisme –
entre ceux qui applaudissaient un élan créatif puissant et positif et
ceux qui ne dénonçaient rien de moins qu’un pacte avec le diable. Les
fractures furent nettes et sans retour : ce fut la naissance d’un nouvel
horizon métallique, immense terrain de jeu pour certains, véritable
Mordor artistique pour les autres.
À chaque fois ou presque, les modalités du changement étaient les
mêmes, selon un adoucissement et une complexification générale de la
musique. Les riffs perdaient en saleté, avec un coup de compression et
une bonne couche de vernis ; le mixage visait la clarté, la
spatialisation, la juste séparation des instruments plutôt que le
tourbillon sonique. La structure des morceaux s’étoffait, se ramifiait,
les voix claires se faisaient systématiquement une place au chaud.
L’ensemble de l’offre metal a dès lors commencé à tendre vers un
nouvel idéal contre-impulsif, un idéal cérébral et globalisant refusant
toute musique trop courte en bouche ou trop uniforme. Pas question de se
borner à des compositions droites et directes, et pas question non plus
de se limiter à des références uniques, à des influences trop
monotones. C’était la fin des frontières murées entre black, death,
doom, heavy et progressif. On pouvait être dès lors tout ça à la fois,
successivement ou simultanément. On pouvait commencer d’une façon et
finir d’une autre, changer au milieu comme bon nous semblait. On pouvait
exprimer sa haine et sur un titre et sa mélancolie sur un autre,
alterner les humeurs, revendiquer, s’emporter puis se retenir.
Mais très vite, la liberté mise en acte s’est étiolée. La défriche
n’a quasiment pas existé. Et peut-être n’a-t-on même rien appris depuis
la dualité électrique / acoustique d’Opeth, la schizophrénie de Devin
Townsend, les premières explorations du black metal d’avant-garde (de
Blut Aus Nord à Arcturus en passant par Negură Bunget) ou les merveilles
de synthèse de Mastodon ou Enslaved – sachant que tous ces groupes ont
fait l’essentiel de leur apport entre le début et le milieu des années
2000. Depuis six à huit ans, c’est malheureusement souvent la même
rengaine, la même saturation de l’offre commerciale par des brouettes de
groupes insaisissables et pourtant pas vraiment surprenants.
Paradoxalement, depuis que le metal s’est pris cette bouffée
d’oxygène, il a moins attiré d’auditeurs extérieurs que par le passé. En
devenant moins fermé, moins communautarisé en apparence, il est aussi
devenu moins séducteur. On le sait, des fans de tous bords ont pendant
de longues années essayé de se frotter à des styles aussi extrêmes que
le black norvégien des origines ou le metal industriel anglo-saxon. Il y
avait une raison à ça : c’était que ces musiques étaient aussi
réellement impressionnantes et menaçantes que facilement identifiables,
c’est-à-dire bordées de toutes parts par des codes et de signes
clairement perceptibles.
Aujourd’hui au contraire, le principe de base n’est pas la communauté
fermée – et pratique à fantasmer –, mais l’identité clairsemée, le
patchwork multiréférencé. Les simples fusions ou hybridations ont été
remplacés par des miniaturisations en série, de sorte qu’écouter un bon
disque actuel, c’est avoir une perspective sur l’ensemble des
possibilités du metal, c’est retrouver en un disque les potentialité
offertes par mille autres.
Aucune des bonnes sorties récentes ne fait l’économie de structures à
tiroirs, de breaks progressifs, de parties folk, d’accélérations death
ou black, de chant clair mêlé aux hurlements, de solis bien sentis qui
succèdent à des parties lourdes. Ce qui à l’échelle microscopique
ressemble à une audace inouïe devient terriblement barbant en constatant
que c’est aujourd’hui le lot d’à peu près tous les groupes dans l’air
du temps. Il suffit de prendre l’exemple de disques largement acclamés
cette année : Borknagar, Enslaved, Between The Buried and Me, Ihsahn. On
pourrait quasiment mettre un signe égal entre tous ceux-là. Ils sont
chacun très maîtrisés et sont en même temps des pots-pourris
invraisemblables, qui tiennent en un même lieu tout ce qu’on peut aimer
ou détester dans le metal.
J’ai aujourd’hui la plus grande difficulté à aimer un groupe pour de
bon, à saluer un album dans son entièreté. J’aime certaines séquences et
d’autres me font grimacer. C’est toujours la même chose : je suis
initialement conquis puis déçu quelques plans plus loin. Ou l’inverse.
Pas de continuité dans mon écoute, je perçois des groupes pour qui
l’ambition démesurée est devenue une norme, un préalable pantouflard. Ça
change tout : l’effort de tisser des liens entre des sons
historiquement contradictoires n’existe plus, c’est le règne du coq à
l’âne.
Le mythe moderne du metal est celui du rassemblement et de
l’évolution. On se sent obligé de s’écrier : « tel groupe évolue sans
cesse », « tel autre cherche toujours à aller plus loin », « et
celui-là, il est encore plus progressif qu’avant ». C’est ce qu’on ne
cesse de lire à propos des derniers Enslaved ou Devin Townsend Band.
Mais ce sont des foutaises. Avec un peu de recul, on voit bien que ces
immenses groupes sont immobiles depuis 10 ans, que Townsend avait déjà
tout dit sur Infinity ou Terria, qu’Enslaved avait fait de même sur
Below The Lights ou Isa. On délire sur le futur et la nouveauté alors
que le marché du metal est comme celui de l’automobile : désespérément
statique malgré l’effort général pour dire le contraire.
Cela donne des envies d’être réactionnaires. Pas dans le sens où
c’était mieux avant, mais dans l’objectif que ce soit mieux plus tard.
Ces groupes modernes ont fait le tour des conjonctions possibles. Il est
temps de passer à un stade ultérieur, qui ne serait pas de dégoter
encore une association improbable, mais de détailler une nouvelle
rythmique, d’imaginer un nouveau type de riffs, d’utiliser un clavier de
manière inédite. C’est bien le chemin qu’a longtemps pris le metal,
dont les grandes orientations se sont dessinées à l’occasion de disques
monomaniaques, par des innovations brutes poussées jusque dans leurs
retranchements. L’avenir doit se passer dans la simplicité, pour
retrouver cette créativité première, qui soit réelle et évidente, et
qu’on se dégage pour de bon de l’érudition anti-productive qui sévit
aujourd’hui.
En attendant, on peut aussi se la couler douce. Car derrière le
libéralisme conformiste de l’avant-garde, on voit aussi des retours
communautaires, des petites niches bien spécialisées qui procurent un
plaisir humble et puissant. On peut par exemple s’étonner du retour en
force du trash-metal ou de l’immense qualité des sorties doom et stoner.
Qui sait, ce sont peut-être dans ses branches marginales que l’on peut
nourrir le plus d’espoirs. Et dans tous les cas, on sait au moins face à
ces disques comment se positionner : on aime ou on aime pas. Une clarté
qui en ce moment a le mérite de faire du bien.
[Mixtape] Kelton Prima - Le compte est bon
Avec son petit style nu-disco-fresh-house, cette mixtape était prévue pour l'été, ambiance beach volley et BBQ. Raté, ce sera la BO de la rentrée et des premières soirées raclette.
Derrière les platines, l'ami Kelton Prima. On vous la fait courte, vous avez toutes les infos sur sa fiche Resident Advisor. On retiendra quand-même qu'avec une vingtaine d'années de son dans les pattes, une solide collaboration avec Pilooski, un passage par le webzine de référence feu Soundicate, le bonhomme n'est pas un novice.
Derrière les platines, l'ami Kelton Prima. On vous la fait courte, vous avez toutes les infos sur sa fiche Resident Advisor. On retiendra quand-même qu'avec une vingtaine d'années de son dans les pattes, une solide collaboration avec Pilooski, un passage par le webzine de référence feu Soundicate, le bonhomme n'est pas un novice.
Côté actu, un maxi 2 titres + remix chez Pizzico Records (Italie) et un remix de Blue Azure sur Disco Soul (Ukraine), à venir courant octobre. En projet, un maxi pour Mathematics (USA), un remix pour :MARR (White Gloves) et un rework pour un titre du prochain LP de Plastique de Rêve (DFA/Gigolo).
Gardez la pêche.
Gardez la pêche.
Kelton Prima || Le compte est bon [exclusive mix for http://des-chibres-et-des-lettres.blogspot.fr/] by Des Chibres & Des Lettres on Mixcloud