J'ai un peu triché pour ce top, il n'y a pas cinquante albums à l'intérieur mais cinquante marches d'un podium plutôt conséquent. Selon les hauteurs, les artistes peuvent être seuls ou à plusieurs, on distribue les médailles en fonction. Aussi, il nous arrivera de donner quelques mentions honorables sous forme de bons points. Et si un disque particulier vous intéresse et que vous ne le trouvez ni sur Spotify, ni sur Deezer, n'hésitez pas à nous contacter directement par mail. Bonne lecture !
50 Gnaw Their Tongues : L’arrivée de la terne mort triomphante

49 Wareika : Formation
Kuniyuki Takahashi : Walking In The Naked City
Kuniyuki Takahashi : Walking In The Naked City

48 Prince Rama Of Ayodhya : Threshold Dances

47 Guido : Anidea
Starkey : Ear Drums And Black Holes
Starkey : Ear Drums And Black Holes

46 Bill Baird : Silence!
James Blackshaw : All Is Falling
Marc Ribot : Silent Movies
James Blackshaw : All Is Falling
Marc Ribot : Silent Movies

45 The Dream : Love King
Responsable entre autres du "Umbrella" de Rihanna, du "Single Ladies" de Beyoncé ou du "Baby" de Justin Bieber, The Dream a curieusement du mal à se faire connaître par chez nous, et du mal à exister pleinement en solo – ses disques marchent, mais sans qu'un single puisse le faire entrer dans la légende. Ce qui est intéressant, c'est que le producteur ne fait d'albums-cocktails, pas de défilé de stars en featuring pour services rendus. Love King est au contraire un objet extrêmement cohérent et concis, linéaire même, qui creuse au plus profond une certaine idée du r'n'b cool et romantique (il ne travaille pas avec Usher pour rien). La voix de Terius Youngdell Nash est en fait assez neutre, elle est propre et permet par son effacement à mettre en valeur un excellent travail sur les instrus. Pas de clinquant, ça bouffe pas à tous les râteliers, tout sonne juste et c'est un petit miracle dans la culture groove actuelle. On notera aussi, dans un autre genre, l'agréable surprise que nous a réservé le deuxième album de Kid Cudi. Très pop, forcément, avec un retour sur soi assez touchant et quelques morceaux assez incroyables – "Marijuana" et "Mojo So Dope" en particulier.
44 Jason Moran : Ten

43 Julian Lynch : Mare
Kemialliset Ystävät : Ullakkopalo
The Alps : Le Voyage


42 Daughters : Daughters
Shining : Blackjazz
Shining : Blackjazz

C'est peut-être un blasphème que de mettre ces deux disques sur une même marche ; musicalement ils ne partagent rien du tout, mais allons-y, nous pouvons dire qu'ils se rejoignent au moins sur leur ultra-violence. Daughters, groupe hardcore habitué aux éjaculations précoces, commence à savoir tenir la distance. Après un premier album de onze minutes, un deuxième de vingt-trois, leur troisième et sans doute dernier atteint presque la barre des trente ! Les morceaux s'étirent, les rythmes se ralentissent, la décharge brutale devient plus vicieuse, plus insidieuse. C'est chaotique, noise, avec cette voix en surplomb qui scande et qui rappelle de la plus évidente des manières que le hardcore, c'est surtout un dérivé du punk. Rien à voir donc avec la radicalité de Shining, qui met ensemble l'extrémisme du free-jazz et celui du trash-indus. Les norvégiens sont hyper techniques et cérébraux, des sortes de Meshuggah en plus démonstratifs et plus progressifs. Il faut absolument écouter leur relecture assez étourdissante du "21st Century Schizoid Man" de King Crimson.
41 Mike Patton : Mondo Cane
C'est un exercice de style, pas de doute là-dessus, mais Mike Patton a-t-il seulement un jour fait autre chose que des exercices de style ? Celui-là est en tout cas magnifique. En reprenant des standards de variété italienne des années 50-60, il redonne vie à tout une culture oubliée ou simplement inconnue. Accompagné de ses musiciens habituels plus un orchestre symphonique bien imposant, Patton offre un disque très lyrique et premier degré, burlesque mais pas comique, ambiance chanson d'amour au balcon et western spaghetti. Bien plus qu'un disque clin d'œil.
40 Peter Van Hoesen : Entropic City
Robert Hood : Omega
Marcel Dettmann : Dettmann
Robert Hood : Omega
Marcel Dettmann : Dettmann



39 Freeway & Jake One : The Stimulus Package
Étonnant comme le hip-hop a toujours fonctionné sur des confrontations binaires : il y a eu West Coast vs East Coast, maintenant c'est new school vs old school et mainstream vs underground. Ce qui m'a plu dans The Stimulus Package est que justement il ne se retrouve dans aucune de ces dualités, il est un peu à chaque fois dans l'entre-deux. Pas de choix à faire entre boom bap et rythmes dirty south, entre samples jazzy bien urbains et synthés G-Funk, entre envie de charts et liberté de mouvement, Freeway et Jake One livrent un disque bâtard mais évident, qui fonctionne tout simplement parce que le flow est bon, les instrus réussies et qu'il s'en dégage une ambiance très prenante. Pas plus compliqué que ça. Petite mention aussi pour les Roots qui, sans génie mais avec beaucoup de savoir-faire, ont pondu un album soulful extrêmement agréable. Big up pour Curren$y également.
38 MGMT : Congratulations
Dans mon flop 20, je faisais remarquer que pas mal d'albums plébiscités me sortaient par les trous de nez (expression vintage). Ça marche aussi dans l'autre sens. MGMT, par exemple, s'est fait descendre un peu partout, à part aux Inrocks, et j'avoue ne pas trop comprendre ce jugement sans appel. Comment peut-on détester Congratulations ? Oracular Spectacular ok, c'était un disque boursouflé et affreux, dont les quelques éclairs de lucidité ont tourné partout en boucle jusqu'à l'indigestion. Mais Congratulations ? Il est si inoffensif, si tempéré et humble. De groupe avant-gardiste en pleine fausse-route, MGMT est devenu un groupe d'artisans, de faiseurs qui appliquent sans prétention les méthodes mises au point par les Flaming Lips. Cela ne va pas plus loin. Et dans ce carcan bien établi, Congratulations s'en sort diablement bien. Très enjoué, gentiment déglingué et hyper sincère, Congratulations est limité mais réussi. L'essayiste Pierre Bayard vient d'ailleurs de sortir « Et si les œuvres changeaient d'auteur ? » ; en procédant ainsi et en attribuant Congratulations à un jeune groupe inconnu, n'aurions-nous pas nous aussi quelques surprises – un regard bien différent et plus indulgent ?
37 Motion Sickness of Time Travel : Seeping Through The Veil of Unconscious
2010 aura été marqué par le vrai retour de la K7 audio. On le disait depuis plusieurs années, dans quelques médias hypeux qui ne vivent que par l'excitation du temps cyclique, mais cette fois le renouveau est bien réel, bien réel parce qu'il est associé à un contenu. On a ainsi vu affleuré pas mal de nouveaux labels psychés et expérimentaux ne dévoiler leur catalogue que sur K7 – faire de l'analogique jusqu'en bout de chaîne. C'est le cas par exemple de Hooker Vision au sein duquel nous avons découvert Rachel Evans, une jeune femme qui produit du kraut électronique extrêmement accessible, extrêmement réussi dans un trip new-age bien poussé. La rencontre de Tangerine Dream avec une douceur très féminine, on ne pouvait de toute façon qu'aimer.
36 Scuba : Triangulation
Mount Kimbie : Crooks & Lovers
Mount Kimbie : Crooks & Lovers

35 Mar De Grises : Streams Inwards
Le doom est le seul sous-genre du metal à se confronter vraiment à la lenteur. Pas une raison pour autant de verser dans l'extrémisme et l'inaccessible. Mar De Grises est en cela un groupe étonnant : doom jusqu'au bout des ongles, un peu death aussi, ils ont tout de même réussi avec Steams Inwards à sortir un classique évident pour tout amateur de musique sombre et / ou violente, sans vulgariser outre mesure leurs préceptes de base. Une idéale porte d'entrée au genre pour le néophyte, donc, et un plaisir facile et évident pour le spécialise. Pour aller plus loin, on peut aussi écouter The Shadow Over Atlantis des Wounded Kings, plus heavy et psychédélique, Au Ellai de Ea, belle pièce de funeral doom ou encore Eve de Ufomammut dans un registre plus stoner.
34 Christopher Rau : Asper Clouds
Dans mon flop 20, j'avais souligné à quel point je m'étais éloigné de certains artistes deep house comme Pantha du Prince ou John Roberts, qui à force de maniérisme avait à mes oreilles perdu toute vibration soulful. L'amour que je porte à Asper Clouds de Christopher Rau participe du même mouvement mais inversé. C'est d'un repli communautaire qu'il s'agit. Christopher Rau est un excellent producteur sans autre ambition qu'honorer les siens, ses pères fondateurs et ses pairs. Un disque de niche, fatalement, qui cite beaucoup, innove assez peu, et pourtant fonctionne de bout en bout. Tour à tour mélancolique et funky, Asper Clouds est un parfait disque de genre qui supporte aussi bien les ambiances de début de soirées que les dérives solitaires, urbaines, casque vissé sur les oreilles. Pour quelque chose d'un poil plus ambitieux, vous pouvez aussi vous tourner vers le Chicago d'Efdemin. Ou alors, pour retrouver les atmosphère moites des nuits new-yorkaises, les longs-formats de Wolf + Lamb ou Makam produiront un effet saisissant – déhanchement et mouvement de tête.
33 Local Natives : Gorilla Manor
Broken Bells : Broken Bells
Beach House : Teen Dream
Broken Bells : Broken Bells
Beach House : Teen Dream


32 DeepChord presents Echospace : Liumin
On pourra toujours pinailler et dire que le dub-techno tourne en rond, que son avenir est morose ; que Liumin est moins bon que le mirifique The Coldest Season ou que le projet de field recordings dans Tokyo est réchauffé cent fois. Ça se discute, et quand bien même tout cela serait vrai, Liumin n'en demeurerait pas moins un des disques les plus enveloppants sorti depuis des lustres. En presque trois heures et deux parties, l'une rythmique l'autre non, Rod Modell et Steven Hitchell nous plongent en plein dans leur féérie urbaine à coups de mélodies subliminales, des basses obsédantes et de tissu sonore tokyoïte. Le coup de cœur ne peut pas être immédiat : Liumin est un disque à faire infuser, lentement, on s'en laisse pénétrer petit à petit pour à la fin ne plus vouloir en sortir. Mais si à la déambulation nocturne vous préférez l'enfermement claustrophobique, je vous renvoie au Music For Real Airports des Black Dogs, relecture moderne et angoissée du chef d'oeuvre de Brian Eno. Une mention également pour It All Falls Apart de The Sight Below, album d'ambient-techno un peu tendre mais plein de promesses, avec la participation à noter de Simon Scott, ex-batteur de Slowdive.
31 Current 93 : Baalstorm, Sing Omega
Brendan Perry : Ark
Death in June : Peaceful Snow / Lounge Corps
Brendan Perry : Ark
Death in June : Peaceful Snow / Lounge Corps


30 Keith Fullerton Whitman : Disingenuity b/w Disingenuousness
Thomas Ankersmit : Live in Utrecht
Thomas Ankersmit : Live in Utrecht

29 Sun Kil Moon : Admiral Fell Promises
Joanna Newsom : Have One On Me
Midlake : The Courage of Others
Joanna Newsom : Have One On Me
Midlake : The Courage of Others


28 Chicago Underground Duo : Boca Negra
Que l'étiquette free-jazz ne vous effraie pas trop. Le Chicago Underground Duo, composé de Rob Mazurek et Chad Taylor, ne fait dans l'insondable délire à deux. En plus de leurs instruments premiers – batterie et cornet à vent –, les deux chicagoans trouvent dans leurs improvisations temps et espace pour y adjoindre vibraphone et nombreuses textures électroniques. Leur free-jazz, c'est appréciable, prend aussi la liberté de se faire parfois doux et simple, ludique et enfantin. On respire beaucoup dans Boca Negra, on prend le temps d'apprécier ces prises de sons phénoménales, cette désorientation des sens terriblement poétique. Un des disques de 2010 qui me rend le plus admiratif ; quelle étrange beauté.
27 Applescal : A Mishmash Of Changing Moods
Luke Abbott : Holkham Drones
Luke Abbott : Holkham Drones

26 Motorpsycho : Heavy Metal Fruit
Qui l'aurait cru au départ, que le meilleur disque progressif de l'année aurait été présenté par un groupe de heavy rock ? Les Motorpsycho sont avant tout un groupe pour barbus, pour fans de Black Sabbath et autres amateurs éclairés de sueur dégoulinante et de voix aiguës. Motorpsycho a certes toujours été un peu plus que ça, mais enfin, rien ne les prédestinait à ce Heavy Metal Fruit, en collaboration avec plusieurs Jaga Jazzist, quatorzième album au caractère progressif plus que prononcé. Les riffs et refrains de hardos sont ainsi cette fois encerclés de longues jam sessions hallucinées, de trips jazzy ou space rock étonnants et savamment exécutés. Paroxysme de la chose, le dernier morceau, "Gullible's Travails", long de 20 minutes et bluffant par sa cohérence et son final épique et définitif. Si vous cherchez quelque chose de plus direct pour accompagner vos sorties en pantalon cuir, vous pouvez aussi vous intéresser à Warp Riders de The Sword. Concept album improbable – l'histoire d'un archer sur la planète Acheron qui se fait bannir par sa communauté (?) –, Warp Riders est surtout un disque heavy metal surburné et bien rigolo dans son genre.
À très bientôt pour la seconde partie de ce top !
À très bientôt pour la seconde partie de ce top !
5 commentaires:
Waoh ça c'est du top !
Bon, je télécharge la moitié et je reviens te dire ce que j'en pense. :)
A quoi bon être vigilant, si on n'arrive même pas à savoir que Brendan Perry a enfin ressorti un album?
Même chose pour Kemialliset Ystävät groupe que je révère pourtant, comme toute sa clique psych-folk.
En plus, me révéler qu'il y a un truc qui ressemble à Magma et dont je n'ai jamais entendu parler!!! Je ne le trouve pas, en plus...
Reste du boulot, même s'il y en a quelques-uns que je partage...
Passionnant ! J'en connais très peu là-dedans, ça me donne envie de m'y plonger, réellement ! Beau travail de défrichage et de passion, sincèrement : bravo !
Merci les amis !
Marc > Tu étais pas au courant du Brendan Perry ? Ouh j'avais l'impression qu'il avait pas mal fait parler de lui pourtout (quelle pochette). Pour le Prince Rama, je vais essayer de te le faire passer par mail.
Alors, j'ai écouté le Applescal qui est vraiment bon. Peut-être pas aussi bon que le Luke Abbott. Le Gnaw Their Tongues m'a assez déçu, faut dire qu'il est passé après un album de Black Metal libanais. Et dans un registre similaire, j'ai préféré le "All the Waters of the Earth shall turn to Blood" de The Body, qui est encore plus hystérique.
Et le Blackjazz de Shining est bien aussi.
Merci donc pour ces découvertes. :)
Enregistrer un commentaire