On parle d'autre chose que d'un album concept, on parlerait peut-être même de l'inverse. Deux disques, deux noms différents, vendus ensemble sous le même blason, A | A, dont le A n'est même pas la lettre majuscule des deux parties – Alien Observer mais Dream Loss.

Il y a évidemment une originalité dans A | A, et elle tient moins à sa structure qu'à justement son absence de structure. Le flou qui entoure cette sortie, cette double-sortie, rentre en écho direct avec l'approche musicale de Liz Harris, approche qui elle aussi doit échapper aux catégorisations formelles classiques. Se situe-t-on plus du côté du drone-ambient, du folk, du slowcore, de la dream-pop ? Impossible à juger et surtout traître : tout semble ici fait pour brouiller les pistes – les rendre trop visibles serait s'opposer à A | A, projet qui n'est pas pour rien détaché de toute injonction hiérarchique. On se souvient au contraire de Dragging A Dead Deer Up A Hill, sorti en 2008 chez Type, label qui refuse généralement les points de suspension, Grouper pouvait s'envisager alors comme une équation à résoudre ou un camembert statistique à découper. Pas sur A | A, qui lui est purement phénoménal, qui se définit par la manière dont chacun l'écoute.
Ce quelque chose d'inconsistant est ce qu'il faut préserver de A |A. Il faut coller au plus près de son insignifiance. Après tout, Liz Harris a assez démontré son talent au fil des années pour que nous ne nous sentions pas obligés, à chaque sortie, d'en faire le plaidoyer. Elle a choisi, cette fois, de ne pas donner de cadre à sa musique, ça flotte, dans l'architecture de l'album – réversible, aux pistes interchangeables – comme dans les thèmes que sa voix laisse entendre – abysses personnels et réels, étrangeté à soi et au monde. Ça parle de la vie de derrière une cloison, sans contact charnel, sans clarté des perceptions. On discerne – une musique qui s'excuserait presque par rapport au silence.
Que cela ne soit pas méticuleusement abouti n'est pas un problème. N'avez-vous pas remarqué, de toute façon, que nous n'étions pas sûrs de quel(s) disque(s) nous parlions ?
Grouper - Alien Observer from Hamish Parkinson on Vimeo.
3 commentaires:
J'adore Grouper, alors j'adore ce disque. Complètement insondable, chaque écoute est différente, on y comprend pas grand chose mais c'est fantastique.
Et comme tu dis, ne rien y comprendre n'est pas grave du tout. Au contraire même. :)
oui, j'ai commencé à écouter ce disque hier, ça me plait bien, et je ne suis pas le seul à ce que je vois :)
Comme Nathan, gros fan de Grouper !
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